Index du Forum » » Raids - Grandes distances - Ultra Fond...

Auteur

Compte rendu participation UTMB 2006
titoune

Warning: Missing argument 4 for member_qualif(), called in /home/users4/s/solisa/www/prntopic.php on line 146 and defined in /home/users4/s/solisa/www/functions.php on line 390
152    
 trotteur

  Posté : 09-09-2006 11:30

Salut à tous, voici donc mon nouveau compte rendu de l' U.T.M.B 2006. Avec un peu plus de poésie. Merci pour votre lecture.


Délicatement bercé par le son d’un adagio, je m’enfonce dans la nuit, les yeux fermés en me repassant le film de cette grande et belle aventure. Voilà déjà quelques jours que je suis revenu sur mes terres Lyonnaises d’adoption, avec des images plein la tête ainsi que des sourires et des larmes qui m’auront accompagné, foulées après foulées, sur long chemin de croix.
Une aventure hors normes avec comme cadre le Mont-Blanc, une course de 158 km et 8500m de dénivelé positif, tel était notre projet en participant à l’Ultra-Trail du Mont-Blanc. Un rêve qui se concrétise après un an de préparation. Avec l’UTMB, nous avons ouvert une porte pour ne plus jamais la refermer. Ce rassemblement mondial de la course nature sera pour nous le fil conducteur de nos ambitions futures.
Nous voici donc le vendredi 25 Août 2006, il est 19h, les dernières recommandations sont données. L’instant si convoité pointe son nez, je me délecte de ce moment de folie, si particulier où 2500 coureurs attendent impatiemment le gong du départ. L’immense cohorte se lance alors dans les rues de Chamonix, chacun à son rythme en fonction de ses propres objectifs. N’oublions pas un instant pour qui nous courons, l’Association Vie Aplasiques et Leucémiques. Unis dans l’effort pour lutter contre la leucémie, telle est notre devise.
La foulée régulière, je parcoure ce bout de chemin en veillant de ne pas partir trop vite, mais ce n’est pas une tâche facile au vu de l’engouement général de la troupe. La première heure se passe relativement bien, on s’échauffe.
Une heure quarante déjà de temps, le jour commence à perdre de son intensité, il laissera la place doucement à la pénombre la plus totale. En attendant, mes yeux s’émerveillent de ce coucher de soleil sur l’une des faces mythiques des Alpes, les Drus. Le premier ravitaillement s’annonce.
Au premier col, les frontales s’allument, sur ce chemin de terre. Commence alors à briller un serpent de lumières qui nous suivra pendant de longues heures de plénitude et de souffrance. Des mots et des signes échangés avec nos compagnons de fortune, des amis d’un instant ou de quelques jours, et nous voilà bien partis dans ce qui semble être notre propre croisade.
Chacun de nous y recherche son quelque chose, un secret encré au plus profond de soi, un but ultime. De la recherche de la performance à la simple envie de se dépasser, de repousser ses limites physiques et mentales, de finir tout simplement, il n’en ressort qu’un interminable face à face avec soi-même, une quête intérieure, une longue solitude sur ces chemins parcourus et ces sommets gravis. Un émerveillement de chaque instant.
Les yeux plein de rêve, je plonge dans ce monde nouveau, mes jambes s’enfoncent dans la nuit, je vis, je revis. Chaque rencontre est une rencontre, un point de ma vie que je ne peux oublier, le moindre encouragement, le moindre sourire, le moindre tintement de cloches, nous transporte et délivre une intensité telle, dans la situation précaire où nous sommes, que nos pupilles scintillent de mille feux, notre cœur s’enflamme et nous oublions ce que nous faisons. L’instant est bref mais si appréciable, merci à ceux et celles qui, à un moment donné de la course, de jour comme de nuit, nous ont adressé ce message, merci.
Les heures passent inlassablement, les premiers signes de fatigue se font sentir pour certains d’entre nous. La longueur de l’épreuve, le froid de la nuit et l’altitude auront raison d’un grand nombre de coureurs cette nuit. En ce qui me concerne, le troisième col me fera prendre conscience de mon manque d’acclimatation certain, une fois de plus il faudra me battre, une fois de plus mes jambes seront lourdes et mon souffle haletant. Au cours de ces instants de désuétude, une voix intérieur me lancera un «Accroches toi mon gars, ne flanche pas» ou un «Vas-y échoue toi ici et ne reviens pas»……Je me laisse donc bercé par un son mélodieux pour oublier ce passage à vide. Je suis las depuis ce 33 ème km, de ne parler à personne, mon coéquipier a pris un peu de retard à cause de ses ampoules. J’espère qu’il passera à temps. Durant 25km, la solitude sera ma seule compagne, elle deviendra mon habitude. Je n’ai qu’une solution, motiver mon esprit pour le tenir éveillé, un arbre, une rocher, une étoile seront mes compagnons de croix. Heureusement, il ne reste que quelques mètres avant le sommet, je respire enfin. Je profite d’un ravitaillement chaud pour faire le plein d’énergie, un massage et ça repart…..
Puisque le jour se lève, j’admire les beaux sommets et glaciers qui m’entourent, ceux qui font de ce Mont-Blanc une terre si convoitée, tant par la beauté du site que la qualité de son rocher.
65 km de course et les efforts que j’ai dû faire pour remonter au classement et passer les barrières horaires sans risques, se font sentir. Une contracture au dos me rappelle à l’ordre et m’oblige à compenser du côté gauche pour ne pas trop souffrir. Je rejoins deux compagnons de douleurs et nous terminons les 8 km de descente qui nous relient à la base vie de Courmayeur, notre prochain ravitaillement.
Nous pointons au 72 ème km le samedi à midi, après 17h de course. Il fait chaud, le soleil brille mais je dois me contraindre à prendre une décision qui ne m’enchante pas du tout, arrêter mon périple, car ces dernières heures ont été pénibles et j’ai perdu beaucoup de temps, j’aurai dû passer ici il y a trois heure. Mon voyage initiatique se termine donc à ce 72 ème kilomètre italien.
Je rêvais d’un océan de bonheur et de larmes de joies en rejoignant ma petite princesse de trois ans et mon épouse qui m’attendaient quelques 80 kms plus loin de l’autre côté, à Chamonix, mais je suis ici, assis sur ce rondin de bois, délicieusement bercé par cette mélodie qui ne m’a jamais quitté, la musique de mon cœur qui m’accompagnait sur ce long chemin de poussière, notre chemin de croix.
Je garde une trace indélébile de ce beau parcours même si l’amertume et la déception m’envahissent peu à peu, jour après jour, nuit après nuit.
Quelques erreurs ont été commises et nous nous en serviront pour mieux grandir, pour encore mieux apprécier notre lendemain, cette expérience restera gravée et je serais prêt à la renouveler.


Titoune."L'idéal est pour nous ce qu'est une étoile pour le marin, il ne peut être atteint mais il demeure un guide"



Cet article provient de passioncourseapied.fr

http://www.passioncourseapied.fr/viewtopic.php?topic=116&forum=10