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68 km et 2100 D+ Trail des Gendarmes et des Voleurs de temps - Edition du 19/05/2013
melanisse

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 meneur

  Posté : 20-05-2013 14:21

Avant tout, que l'on soit bien clair, ce CR est le mien, avec donc mon avis, mon ressenti, mes pensées, je ne me fait la parole de personne, juste ma propre parole :)


Jéjé avait choisi ce Trail sur le planning, j'ai du faire des concessions après un marathon, un 12h etc, le Trail n'est pas mon truc, ou plutôt n'est pas le truc de mon corps, je met un temps à m'en remettre, à ressentir des douleurs à droites à gauche, avec l'impression d'avoir un corps en kit, d'autant plus que je me connais, si sur course je peux ressentir la douleur, j'arrive "assez facilement" à débrancher le cerveau...mais les jours qui suivent me rappellent à l'ordre.

Depuis longtemps, je n'avais pas ressenti un si grand stress avant course, des doutes, des questions, on n'a pas travailler énormément le dénivelé et c'est ce point qui m'inquiète,je ne suis pas fan de l'altitude, autant la distance je maitrise, autant les côtes , je les évite.
Et bien entendu, je n'évite pas les CR des années précédentes qui détaillent les descentes techniques, mon plus gros point faible.
Car il faut le dire, je ne suis pas une casse cou, je prends de l'âge (et oui) mais surtout j'ai un travail sur 2 jambes ;) en gros, si je me casse quelque chose, je serai inapte un long moment... et ça pour mon banquier comme pour mon mental ce n'est pas envisageable.
Alors oui, j'ai la crainte de la blessure.

Mes amis FB (qui se reconnaitront) m'encouragent et me remotivent, efface les derniers doutes...
Et c'est parti pour Ambazac.

J'ai beau regarder maintes et maintes fois la météo, la pluie semble au programme, ça ne m'inquiète pas plus que ça ,même si 11h sous la flotte ça me donne guère envie.
Oui, 11h pour faire 68 kms c'est ce que j'envisage ....


Je passerai sur les péripéties rencontrées tout au long du week end mais qui annonçaient d'ores et déjà un week end mémorable dont je me rappellerais :)

A proximité d'Ambazac , je comprends vite que ce sera loin d'être plat, ça monte même de manière impressionnante pour mes petites jambes:)
Mais malgré la pluie, je profite tout de même de la verdure du paysage.

Nous récupérons les dossards sur le lieu de la course , qui montre un terrain bien détrempé , ça promet pour demain.
Je vois le tapis violet de l'arrivée, je m'imagines bien passer dessus.
Nous ne nous attardons pas.

Pluie, pluie, et pluie, la soirée passera à préparer les vêtements et affaires de course, j'opte pour un maillot et un coupe-vent... j'ai peur d'avoir trop chaud....

Jour J: allez je rajoute une couche, il pleut comme vache qui pisse, comme on dit chez nous :), je cherche les éclaircies annoncées par la standardiste de l'hôtel ??

Nous arrivons bien en avance sur le site de course, ce qui nous permettra de se garer pas trop loin (et de permettre de nouvelles péripéties grrr) , et pour moi, de vidanger comme à mon habitude plusieurs fois en un temps record :)

Nous apercevons de loin Guillaume Vimeney ,un des habitués du Trail et quelques autres têtes connues, nous n'aurons pas la chance de voitre notre traileur régional Erik Clavery, il a du se mettre à l'abri ;)

Rapide bonjour à William qui a eu la chance d'être sur le 32 km grâce à Team Outdoor .
Il est temps pour nous de rejoindre la ligne de départ.

700 coureurs sont au départ, il pleut, mais ça n'empêche pas la bonne humeur, même si quelques féminines se permettent des impolitesses qui m'agacent fort (certaines ont tendance à jouer la starlette: barrez vous c'est moi que vlà!!!)

Les chevaux ne seront pas au départ cette année, ça ne m'étonne pas , vu le terrain, le risque était de les voir s'embourber et piétinés par les coureurs (bon j'exagère sur ce dernier point :))

8H00: Top départ, nous n'avons pas fait 1 km que Jérôme perd déjà sa chaussure trail, je peste, déjà que j'ai horreur qu'il enfile sses running sans les délacer mais là c'est le pompom, sur un trail, qui plus est ,boueux, c'est limite abusé!!!!

Bref!!!

Les 10 premiers kms vont plutôt bien se passer même s'ils vont donner la note: boue, boue, boue au programme, doublée de pluie, pour le moment fine...
Certains coureurs/euses, se donnent un mal fou à éviter la boue ou l'eau...euhhhhhhh c'est un trail non? ou une sortie shopping????
Nous sommes rentrés très vite en forêt..que nous ne quitterons quasi jamais, des arbres, des chemins, des côtes, des descentes, de la boue, ....
Les premières côtes se montent assez facilement à foulées tranquille, mais très vite, je prend l'option marche en côte, soit en raison du dénivelé, soit du fait de la boue qui rend impraticable la montée, il faut parfois y aller à 4 pattes.

Beaucoup de coureurs ont les batons, par moments, je me demande si ça leur sert vraiment, pour les premiers je pense que oui, mais à notre niveau, le terrain est tellement glissant que même les batons font du ski après le passage de + de 500 coureurs.


Je passe les 10 premiers kms en 01h15, tout va bien, le moral est au beau fixe malgré la pluie et la boue, les jambes vont bien.

Vers le 15ième km, je fais savoir à Jérôme qu'au ravito du 20 ème je compte retirer le coupe vent, malgré la pluie, j'ai chaud...
Mais ça, c'était avant :)

Un petit écart se forme avec Jérome, nous avons le même rythme de course quand nous courrons, mais je me rends compte que j'ai gagné en puissance et en vitesse de marche dans les montées.

Au 19ème, un bouchon se forme, nous devons monter à la corde une pente assez raide, le temps d'attendre mon tour, je m'étonne de voir un coureur qui porte des hokas sans chaussettes, je peux apercevoir que l'arrière de son pied ets bien rouge, il doit en souffrir puisqu'à mon grand étonnement... il ramassera des feuilles pour éviter le frottement de sa chaussure contre son pied???!!!
Je n'ai pensé qu'à près coup, subjuguée par sa manière de faire, à lui proposer un mouchoir en papier, cela aurait été un moindre mal comparé aux feuilles.

Bref revenons à nos moutons ou plutôt à nos kms...

Le 20ème km arrive, je le passerai en 02h41 puis j'aperçois le ravito, j'ai changé d'avis sans trop de mal concernant mon coupe vent, la pluie a doublé, nous sommes trempés gainés.
Le passage à la corde a même refroidi mes mains, et j'opte de nouveau pour les gants avec lesquels j'avais pris le départ.

Le ravito est copieux, j'adore leur fromage, du cantal peut-être, (en tout cas ce n'est pas du maroilles ;)).
Je remplis ma poche à eau et j'aperçois Jérome, je l'attends il se ravitaille rapidement, et nous repartons.

Niveau alimentation et hydratation, tout se passe bien pour une fois, je suis même étonnée, pas d'écoeurement, un faible pour les barres anti oxydantes de chez GO2 que je n'avais jusque là pas gouté, et toujours ce coup de foudre pour les barres salées.
Je m'hydrate toutes les 15' en eau, et ma vessie me rappellera régulièrement son trop plein, au point de me faire regretter de ne pas être un homme!!!

Un nouveau écart plus important avec Jérôme se fait, je vois qu'il ralentit, je continue sur la même lancée, je sais qu'à me retourner je m'épuise alors j'avance.

Vers le 22ème km, une première victime d'hypothermie se trouve sur le bas côté.

Les coureurs sont épuisés, les descentes demandent autant d'attention que les montées, fatigant rapidement les muscles.
Même si les jambes vont plutôt bien je dois lutter contre une certaine flemmardise, en effet, je n'ai pas pris la peine de prendre régulièrement ma sporténine, alors je râle après moi-même "allez Mel!! quoi, c'est pas un petit geste qui va te tuer!!!"
Je me regularise de ce côté, après coup je pense que cela m'a permis d'éviter les crampes.

Si moi je râle intérieurement , d'autres râlent ouvertement, certains s'en veulent d'être là, d'autres râlent après la boue, la pluie.

J'ai un petit coup de blues, la route est longue, je n'ai pas de plaisir, pas de paysage à regarder, quand nous montons au point culminant, le ciel est tellement chargé, qu'il n'y a rien à voir, absolument rien.
De la pluie, de la forêt, de la boue.

Je me ressaisis, je positive, je ne me voyais pas sur ce trail et je fais le bilan: je suis au 30 ème km que je passe en 4h07, il me semble,les jambes vont bien, j'arrive à imaginer l'arrivée, allez on y va et on arrête de râler, j'envois un sms rapide à Jérome "je passe le 30ième, où en es tu?"
Je continue ma route, passe dessus le tapis de controle et commence alors l'enfer boueux (et oui tout ce qui s'est passé avant n'était que de la rigolade...)
Une descente à pic est rendue dangereuse en raison des conditions climatiques, j'apprends à skier sans skis, un coup sur les pieds, un coup sur les fesses, j'essaie de réfléchir au comment faire pour ne pas tomber, je pense aux skieurs qui freinent de côté, je commence à utiliser cette technique qui fonctionne bien, mais il faut le dire, demande beaucoup d'effort aux quadriceps.
Le souci de ce type de descentes c'est soit tu y vas sans te poser de questions en espérant ne pas de vautrer, soit tu y vas en cool mais avec le risque d'avoir conscience du danger, et dans ce cas tu restes tétanisée...
J'ai opté pour la seconde, et je perds donc de précieuses minutes.

Après cette descente de l'enfer ;) je reçois un appel de jérôme il vient de passer le point de contrôle , je l'avertis de la descente dangereuse et je lui dis que je l'attendrais au ravito du 40 ème.

Je repars, la pluie est toujours là, et oh surprise, devant moi, un magnifique ruisseau à remonter: me voilà à me parler à moi-même, à haute voix au cas où je ne m'entendrais pas " oh un ruisseau, avec de l'eau mouillée, parce que c'est sur de l'eau, on n'en a pas assez eu, mais oui comme je suis contente un ruisseau, mais non je ne suis pas mouillée, je suis contente d'avoir les pieds deux fois plus trempés"!!!
Les autres coureurs doivent me prendre pour une cinglée!!! Et cela m'oblige à rire quand je prends conscience de mon égarement.

Le ruisseau n'en finit pas, certains coureurs préfèrent tenter de passer sur les côtés au risque de glisser, moi, je préfère y aller dare, dare, au point où j'en suis je ne serai pas plus mouillée.

Un petit morceau de bitume pointe son nez, il est pour moi un véritable caramel au beurre salé que je savoure (c'est ce que je me dis sur le moment) j'ai alors encore plus conscience que je suis une routarde.

Mais très vite , on retourne en forêt pour en débattre avec de nouvelles côtes.
Même si mentalement, j'ai la force et la hargne d'aller au bout, que j'arrive sans difficultés à percevoir l'arrivée, qu'en découpant mon parcours, cela me parait si simple, je suis en pleine réflexion: où est le plaisir, qu'est ce que je fous dans la boue, dans la pluie, de la course à pied? j'ai l'impression de plus marcher que de courir en raison du dénivelé.
J'ai conscience que j'ai besoin de faire un point sur ma pratique de la cap.

Le 40 ième km pointe le bout de son nez, je le passerai aux alentours des 6H00 de course, et après 2 kms après, nouveau point de controle, je passe largement la barrière horaire, de ce côté là au vu de la météo ,je suis satisfaite, car à priori les barrières n'ont pas changées malgé les conditions.

Arrive le ravitaillement, j'appelle Jérôme, je lui dis que je suis au ravito et je veux connaître sa position, je ne souhaite pas trop attendre car je ne veux pas me refroidir, il me dit qu'il est à moins de 10', j'hésite, me pose des questions, je me sens bien et j'ai envie de repartir, d'un autre côté je sais aussi, que c'est important de finir ensemble.
Je l'attends, je prends le temps de m'alimenter, de remplir ma poche à eau, toujours pas de jérome, je fais les 100 pas et m'éloigne du ravitaillement, aussi je ne saurais pas ce qu'il se trame, ne voyant toujours pas Jérome arriver, je me rapproche du gendarme qui indique le parcours pour lui demander si la barrière horaire se trouve niveau ravito ou au point de controle un peu plus avant? J'ai peur en effet, que Jérome ne passe pas.
Le gendarme me répond qu'il n'en sait rien concernant les points de course, mais que la course vient d'être arrêtée, je ne comprends pas, je lui demande si ceux qui sont derrière ont été disqualifiés en raison de la barrière horaire?
Mais non, il en est tout autre, le médecin chef a demandé l'arrêt de course pour tout coureur n'étant pas passé en moins de 06h00 au point de contrôle du 42ème km, en raison du nombre de blessures et d'hypothermie.
Je suis sur le cul, j'ai du mal à y croire, je me rapproche du ravito, les autres coureurs sont plus au courant que moi.
Jérôme et un autre groupe arrive, certains coureurs pestant de la décision.
Avec Jérome, on se pose des questions, et si on tente quand même?
Mais non, tous les gendarmes ont été avisés, question de sécurité, il faut se montrer raisonnable.

Fin de course: 43 kms ,6h30 environ,pour 1600mD+ effectué sur les 2100 prévus, pas de classement.

Sur le moment, je suis un peu sans réaction, je comprends la décision, c'est vrai que la sécurité importe avant tout, que le terrain était vraiment dangereux.

Puis petit à petit un goût amer s'est installé, l'impression de quelque chose de non fini.
Et surtout, j'en veux un peu à l'organisation, je comprends la décision du médecin chef et en aucun cas je ne la remettrai en cause.
Mais de lire le soir même de la course que l'organisation était inquiète depuis vendredi, il aurait été bien d'en aviser les coureurs leur donnant libre choix ou non de prendre le départ.

Et puis , chaque coureur prend de son temps et de son argent pour une course, quand un telle décision est prise, il serait bien de la part de l'organisation d'avoir au moins un mot pour les coureurs à l'arrêt forcé.
On nous a déposé sur le site,et maintenant on fait quoi? Vous rentrez à votre voiture messieurs , dames...
Voilà ce petit goût d'amertume.

Néanmoins, je pense que cette course, et finalement merci à elle :) m'a permis d'ouvrir sur ma pratique de la course à pied.
J'ai commencé le long et l'ultra avec un but initial: j'avais une revanche à prendre sur la vie, un revanche à prendre sur certains, j'ai du combattre certains démons et j'ai gagné ma bataille.
J'ai continué après ça pour voir quelles étaient mes limites et aujourd'hui je me connais totalement: je connais mes forces et mes faiblesses et je vis très bien avec.
Personnellement, l'ultra est une véritable thérapie qui a eu sa raison d'être dans ma vie et dont je n'ai plus l'utilité actuellement.
J'ai conscience aussi que toutes mes dernières courses ont été synonymes d'effort et de resultats et non pas de plaisir.
J'ai pris du plaisir dans toutes les courses à petites distance (j'entends pour moi) et à proximité.
Je me rends compte que j'ai fait beaucoup de sacrifices, que j'ai envie d'autre chose aujourd'hui.

Je n'arrêterai pas de courir loin de là, puisque c'est avant tout le moyen de canaliser mon énergie et d'extérioriser les tensions, mais je rêve plus aujourd'hui de partage de proximité, d'avant et d'après course comme ce le fut à mes débuts.
De course à distance raisonnable qui me permettront de profiter de l'avant, du pendant, de l'après et de ma vie :)

En parallèle, certains points ont aussi remis en cause mon engagement pour l'action "courir pour nos aînés".
C'est une cause que je respecte toujours autant, il y a tant à faire pour les personnes âgées... Mais défendre cette action m'a demandé du temps, de l'énergie, des tripes . Je me suis sentie parfois essouflée(et parfois déçue)
J'ose toujours espérer que quelqu'un prenne la relève, mais ce qui a pu être récoltée par ces actions a déjà été un grand pas.
A tous merci.

Et bien sur, merci aux bénévoles, et au public de la course, sans qui rien n'est possible.



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