Comment aborder les quinze derniers jours précédant un marathon ? Certains veulent trop en faire et gâchent, sans s’en rendre compte, plusieurs semaines d’entraînement. D’autres se laissent dominer par le stress et puisent dans leurs réserves psychologiques. Pour éviter les écueils, Dominique Chauvelier, quadruple champion de France et médaillé de bronze au marathon des championnats d’Europe de Split (1990), nous offre son expertise. Conseils en stock ! Par paul Miquel

En dépit de la mythologie sportive qui enveloppe la distance reine de la course sur route, les secrets du marathon ne sont pas impénétrables. Au contraire, l’abondante littérature consacrée aux mille et une façons de s’entraîner pour courir sereinement les 42,195 kilomètres démontre que (presque) tout a déjà été décortiqué. Sur internet aussi, la multiplication des sites dédiés aux marathoniens prouve à quel point cette épreuve s’est popularisée auprès du grand public. Plans d’entraînement, conseils divers et variés, tests comparatifs de chaussures de running… rien n’est aujourd’hui laissé au hasard, sauf peut-être les derniers jours qui précèdent la compétition.
« En général, les gens sont bien conseillés et ne s’entraînent pas top mal, note Dominique Chauvelier. En revanche, ils peuvent tout gâcher pendant les quinze derniers jours qui précèdent la course en voulant faire une séance de qualité ou une dernière très longue sortie pour se tester. En voulant se rassurer sur leurs capacités, ils risquent de tout chambouler et d’anéantir plusieurs semaines d’effort. Grosso modo, pendant les deux dernières semaines qui précèdent un marathon, il faut se mettre dans la tête que le maître mot doit être la ré-cu-pé-ra-tion ! »
Pour aider les pratiquants à mieux aborder cette dernière ligne droite, Dominique Chauvelier distingue trois catégories de coureurs. Primo, les débutants qui préparent leur premier marathon avec un temps de 4 heures dans la ligne de mire. Secundo, ceux qui en ont déjà couru un ou deux et qui espèrent terminer en 3 heures 30. Tertio, les coureurs confirmés, capables de courir sous la barre des 3 heures. Les conseils de notre « macadam coureur » se scindent par conséquent en trois volets.

Cas n°1 Les débutants
« Comment arriver frais le jour J »
« Les débutants préparent souvent un marathon sur la base d’un plan d’entraînement de deux mois et demi à trois mois. L’idéal est bien sûr de s’entraîner, pendant cette période, au moins trois fois par semaine. Grosso modo, leur plan d’entraînement se divise ainsi : trois semaines dures (sorties longues, sorties courtes et fractionnés courts) une semaine facile, encore trois dures et une dernière facile. Restent ensuite quinze jours avant la compétition pendant lesquels ils doivent impérativement lever le pied. Cela veut dire faire des footings tranquilles et passer à deux entraînements par semaine maximum. À J-15, il faut donc qu’ils se forcent à en faire moins. Ce n’est pas toujours facile car, dans la plupart des cas, ces gens-là veulent absolument se rassurer en faisant une très longue sortie de 2 heures une semaine avant le marathon. C’est une très mauvaise idée. A proscrire !
Pendant les quinze derniers jours, il faut aussi faire attention au sommeil, à la nutrition, éviter de sortir tard et ne pas participer à de grosses bringues. En deux mots comme en cent, il faut tout faire pour arriver frais physiquement et physiologiquement le jour J. C’est aussi pendant cette période qu’il ne faut surtout pas vouloir tester de nouvelles chaussures ou de nouveaux produits de réhydratation. Cette période, cruciale pour atteindre ses objectifs, est celle des petits détails qui comptent. Par exemple, il faut prendre l’habitude de toujours avoir une bouteille d’eau avec soi pour boire régulièrement et éliminer les éventuelles toxines dans le corps. Enfin, ce laps de temps à J-15 doit être vécu comme une période pour se rassurer. Le gros risque est d’arriver surentraîné sur la ligne de départ. »

Cas n°2 Les FAUX débutants
« Ne pas oublier que le marathon reste une aventure humaine… »
« Tous les conseils cités précédemment s’appliquent pour cette deuxième typologie de coureurs. J’ajouterais d’autres petits points de détail. Exemple : commencer un plan d’entraînement après une vraie période de repos. Et se préparer à l’effort mentalement. Pendant les très longues sorties, il faut prendre conscience que le marathon va être dur. C’est pareil pour moi. Au bout de 1h45 de course à pied, je commence à avoir les jambes lourdes et le moral qui flanche. A J-15, il ne faut surtout pas s’obliger à faire une sortie longue de 2h30 pour se préparer psychologiquement mais je conseille de profiter de cette période plus tranquille pour travailler mentalement sur cette notion d’effort. Pour mieux l’apprivoiser en course.
À J-15, il faut aussi se mettre dans la tête qu’un marathon est l’enchaînement de deux semis. Cela peut paraître absurde de dire ça mais c’est fondamental de se mettre en tête ce genre de choses. La période qui précède la compétition est celle d’une baisse de régime au niveau de l’entraînement. Conséquence : profitez-en pour fignoler les derniers détails. Prévoir de s’adapter en fonction de la météo, le jour J. Et gardez en tête que cette course est avant tout une très belle aventure humaine. Après plusieurs semaines d’entraînement fastidieux, il faut profiter des quinze derniers jours pour se rassurer et faire monter l’envie… »

Cas n°3 Les COUREURS CONFIRMÉS
« Attention à l’excès de compétitions ! »
« On touche maintenant les marathoniens aguerris, ceux capables de passer sous la barre des 3 heures. Ces derniers doivent lever le pied à J-10, pas forcément à J-15. Ils ont cinq jours supplémentaires pour s’entraîner à fond. Par expérience, je ne donnerai qu’un seul conseil. Mais, à mon avis, il vaut de l’or : attention à l’excès de compétitions pendant cette période. Pour remplacer une sortie, il est maintenant à la mode de faire un 10 km ou un semi-marathon le week-end précédant le marathon. Je dis d’accord à J-21 mais pas plus tard. Une course reste une course et il faut pouvoir disposer de temps pour récupérer. Une semaine avant un marathon, c’est trop court et dangereux. Bref, ça évacue l’essentiel : les notions de plaisir et de performance. »